Circoncision malgache
Entre la pratique ostentatoire et « volée » ou en « cachette »

Pour les Malgaches, ce mois d’Août fait encore partie de la saison de circoncision même si cela peut se faire toute l'année grâce aux progrès de la science et de la médecine. Il est vrai que presque tous les garçons malgaches sont aujourd’hui circoncis, mais le problème est de savoir si cela a été fait selon la pratique ancestrale ou non ? Après tout, il y a des choses qui évoluent. C'est pour cela que l’expression de « circoncision volée" est évoquée. Mais est-ce que cela se dit et est-ce réalisable ? Pourquoi est-elle qualifiée de « volée » ? Y-a-t-il quelqu'un qui détient le pouvoir de donner l’autorisation ou l'approbation de la pratique? Selon la tradition, la circoncision ne relève pas seulement de la responsabilité ou de la décision des parents du garçon à circoncire, elle implique la famille toute entière. Dans certaines régions, ce n'est pas une décision individuelle, il appartient au clan tout entier de prendre en charge l’exécution de la circoncision. Tel est l’exemple du « Sambatra » pratiqué tous les sept ans dans la région Antambahoaka à Mananjary.

« Volée » ou « cachée »

Lorsqu’un évènement de circoncision n’est pas divulgué à toute la famille entière mais tenu en secret, c’est-à-dire caché, on le qualifie de « volé ». Chez les Malgaches, la circoncision n’est pas seulement pratiquée pour une raison de santé, c’est aussi le moment de faire intégrer l’enfant mâle dans la communauté, dans la société. C'est une manière pour démontrer solennellement avec une cérémonie que désormais l'enfant est un homme. Ce qui est évident au moment de l’opération de l'enfant, des gens se font entendre criant à haute voix « Sois un homme ! » « Sois un homme ! ». Souvent à l'école, lorsque les garçons vont pisser, ils se regardent si parmi eux il y en a encore qui ne sont pas circoncis. Puis, il y a ceux qui se moquent en disant : "Oh, toi tu n'es pas encore circoncis !". Evidemment, c'est une chose honteuse dans la société malgache traditionnelle si un homme n’est pas encore circoncis car il n’est pas considéré comme un homme.

Tandis qu’actuellement, la circoncision devient de plus en plus une affaire des parents du garçon à circoncire et du médecin. Ce n’est que lorsque l'enfant sort portant son « petit malabar » (tenue spéciale pour les garçons circoncis) qu’on est surpris car on n’a pas été informé de la date à laquelle allait se dérouler cette circoncision. Face à cela, des parents font des excuses. Certains s’excusent avant même le déroulement de l’opération de circoncision, et d’autres après.

Des cas similaires existent dans certaines régions de Madagascar. Dans la région de l’Alaotra par exemple, il y a celui qu’on appelle « Tsimandrombo » ou « Tsimirombo ». Ce dernier est semblable au "Rain-jaza" sur les hautes terres ou en Imerina. C'est un homme qui parcourt tous les quartiers d’un village, en quête de garçons non circoncis. Il arrive à l’improviste et attrape le garçon encore non circoncis en l’opérant à la hâte, cela avec l'accord du père et de la mère du garçon. Il n’y a que le « Tsimandrombo » et l'enfant, puis son Père et sa Mère qui sont présents. Une fois l’opération faite, l'homme perçoit une petite somme d’argent, en quelque sorte le « hasintanana ».

La raison pour laquelle certains pratiquent la « circoncision volée » c’est parce qu’elle est simple à faire et n’a pas besoin de cérémonie. Personne n'est invitée, pas même la famille. Elle ne dépense pas beaucoup d'argent. Est-ce pour cela aussi qu’à l’heure actuelle les gens ne viennent plus demander une autorisation de circoncision auprès de l’autorité selon une enquête effectuée dans certains Fokontany dans la ville d’Antananarivo ? La réponse c’est parce qu’il n’y aucune cérémonie, ni une fête, donc pas besoin de demander une autorisation. Dans le contexte actuel ce n’est pas étonnant puisque même avant, vers les années 1970 certains auteurs l’ont déjà signalé. A propos de cela, Louis Molet dit : « II s'agit d'un rituel long, touffu, compliqué, qui continue à être pratiqué chaque année dans toute la province d'Imerina, y compris à Tananarive, mais qui est de plus en plus simplifié jusqu'à ne comporter qu'une réunion de famille à l'occasion de l'opération d'un garçonnet dans une clinique chirurgicale de la capitale ».

Avec une cérémonie

A part ces didimpoitra cachés ou « volés », il y en a encore ceux qui pratiquent la circoncision selon la coutume ancestrale. Parfois, on assiste à des scènes de groupe de gens faisant du carnaval et danser dans les rues. Les rituels traditionnels de circoncision sont toujours pratiqués : usage de l'eau sacrée appelée « rano mahery », puis de la canne à sucre, etc. Cependant, les avis sont partagés concernant ce rituel qui se déroule publiquement dans la rue.

Un jour de dimanche, fin juillet dernier, de telle scène rentrant dans le cadre de la cérémonie de circoncision s’est déroulée dans une rue de la capitale. Tout au long de son passage la circulation a été bloquée. D’habitude, il y a toujours un embouteillage lorsqu’une telle cérémonie se passe dans la rue. Pour le cas évoqué ici, cela a duré plusieurs minutes. Finalement, une personne parmi les passagers d'un bus qui s'est retrouvé prise dans cet embouteillage commence à grogner en disant : "Est-ce que les gens ne savent-ils pas qu’on fait de la circoncision si l’on ne l'emmène pas sortir dans la rue ?" Un autre passager a également déclaré : « C'est la tradition, c’est la tradition ! D’accord, tout le monde le fait, mais cela ne doit pas faire une obstruction à la circulation dans la rue ».

« Circoncision de masse »

Contrairement aux deux types de circoncision mentionnés précédemment, il existe une troisième forme appelée « circoncision de masse ». Celle-ci connaît de plus en plus une ampleur, voire tend à devenir à la mode. On peut dire que la «circoncision de masse » est une alternative entre d’un côté la pratique de la circoncision « volée » ou « en cachette », puis de l’autre côté la circoncision ostentatoire qui se déroule publiquement. En fait, la « circoncision de masse » ne peut pas être cachée car elle se déroule en public, seulement il n’y a aucune organisation de cérémonie selon les rites traditionnels. Dans ce genre de circoncision, le nombre de garçons pourrait atteindre entre 300 à 500. L’opération se fait gratuitement et c’est à l’organisateur de prendre en charge tous les frais et paye le médecin. Fréquemment, la « circoncision de masse » est organisée par des personnes ou organisations faisant des œuvres caritatives. Parfois, des hommes politiques aussi s’en occupent. La cherté de la vie actuelle est une des motivations des parents à amener leurs fils à ces « circoncisions de masse ».

Modernisation

De nos jours, il y a encore des parents qui s’adressent aux « Rain-jaza », c’est-à-dire à ces hommes qui s’occupent de la circoncision et pratiquent une opération selon la façon traditionnelle. Si moins de gens le font en ville, il y en a beaucoup dans les zones rurales. Par ailleurs, avec le progrès actuel, certains choisissent pour l’opération la méthode moderne tandis que d’autres préfèrent la façon "à l'américaine". Selon un médecin interrogé, environ 2 à 4 garçons par semaine sont circoncis durant les mois de mai et août, tandis que ce chiffre s’élève à 6 par semaine au mois de juin et juillet.

Pour conclure, on peut dire que tous les Malgaches pratiquent encore la circoncision parce que c'est la coutume. Même ceux qui vivent à l’étranger le font. C’est la façon dont cela s’est déroulée ou on l’a pratiqué qui la distingue. D’un côté, il y a ceux qui veulent la pratiquer d’une manière ostentatoire, de l’autre, il y a la pratique « en cachette » ou « volée », tandis qu’entre les deux se trouve la « circoncision de masse ».

Description de l'image
Carnaval d’une cérémonie de circoncision traditionnelle dans la capitale

Ral

09 Août 2024

Commentaires