Sport et culture :
style populaire dans le Nord


Mariage entre morengy et spectacle
de musique tropicale « mafana »,
une forte affluence des fans !

[Autour du terrain, plus précisément sur le podium, le groupe artistique Sisca, très populaire à Antsiranana, anime le match de morengy avec leurs rythmes tropicaux et leurs chants.]

Une ambiance dans un match de sport animé de spectacle artistique, deux choses réelles et différentes qui se retrouvent ensemble autour d’un même événement ! L’union du sport avec la culture est un style populaire dans le Nord de Madagascar. Auparavant, quand nous étions de passage à Antsiranana ou Diégo Suarez comme la population locale préfère encore l’appeler, des amis opérant dans le secteur touristique de la région nous ont proposé d’aller voir un match de morengy. Quelques jours après, nous pouvions assister à un tournoi final de morengy qui se déroulait à Antsiranana. Une occasion nous permettant de faire un reportage sur cet évènement mettant en scène le morengy ensemble avec le spectacle des artistes de musique tropicale « mafana », réunis sur un même terrain, tous les deux aussi populaires que le salegy dans le Nord et connaissent une forte affluence. C’est le voandalana, un cadeau que nous aimerions partager à nos chers lecteurs.

Arène simple

Le morengy, parfois orthographié moraingy, est bien plus qu’un simple sport à Madagascar : il incarne une tradition vivante, un patrimoine culturel et un spectacle incontournable pour la population locale. À Antsiranana, ancienne Diego Suarez, dans le nord de l’île, ce combat traditionnel attire chaque année des milliers de spectateurs, curieux et passionnés.

Situé à Antsiranana, le terrain Barman SCAMA est le lieu emblématique où se déroulent les grandes compétitions de morengy. L’arène, simple mais symbolique, est délimitée à même le sol. Les spectateurs ont le choix entre les places sur la tribune couverte, avec un tarif de 15 000 ariary, puis celles qui se trouvent en plein air, plus abordable, de 10 000 ariary.

La popularité du morengy à Antsiranana se traduit par une affluence importante. Le morengy séduit, non seulement en brousse, mais également en ville dont la population d’Antsiranana. Ici, ce genre de boxe traditionnel reste toujours et à jamais populaire comme c’est aussi le cas pour le spectacle variété tropicale « mafana » ! Sans faire aucune distinction de genre, ni d’âge, il y a des hommes fans de morengy, comme il y en a aussi des femmes, puis des seniors et des enfants.

Boxe traditionnel

Parmi les participants à ce tournoi de final, on retrouve des joueurs de renom, entre autres, Martial, Shaolin, Devlin, Jobilahy Canon, Big Show, Cybor Be Kaka ou Black Man2. Ces derniers sont bien connus par le public, et leurs fans se pressent pour les voir au combat. Cependant, le morengy n’est pas réservé uniquement aux stars : les joueurs ne figurant pas dans le programme officiel peuvent également participer.

Le morengy est un sport exclusivement masculin, un combat de boxe traditionnel où les participants s’affrontent en utilisant des techniques de coups de poing et de coups de pied. Pour certains observateurs, il pourraît être comparé à un mélange de boxe savate et de karaté.

Le déroulement d’un combat est ritualisé : un combattant se prépare, sort sur le terrain et lève le poing pour défier quiconque ose l’affronter. Lorsqu’un adversaire accepte, un accord est conclu en présence de l’arbitre. Les combats se composent souvent de plusieurs tours, avec un gagnant et un perdant désignés à l’issue. Les spectateurs peuvent encourager leur favori en donnant de l’argent ou en pariant. Le match commence généralement à 13 h pour continuer jusqu’au coucher du soleil.

Chaque parade, chaque coup porté est, soit acclamé ou hué, selon le camp des spectateurs. D’autres en profitent aussi pour faire une dégustation de khat, plante familière dans la région. Tout cela faisait partie de l’ambiance.

Les matchs de morengy ne se limitent pas à la force brute : ils exigent maîtrise, discipline et intuition. Le combattant doit savoir lire dans le regard de son adversaire, anticiper ses gestes et doser ses attaques. Ce jeu d’équilibre entre l’instinct et la stratégie rappelle les arts martiaux asiatiques, bien que le morengy garde une essence résolument africaine et malgache.

Chants et danses

Le spectacle ne se joue pas seulement sur le ring. Autour du terrain, plus précisément sur le podium, le groupe artistique Sisca, très populaire à Antsiranana, anime le match de morengy avec leurs rythmes tropicaux et leurs chants. Les danseurs montent sur scène, les musiciens redoublent d’intensité, et parfois, le tempo des tambours semble suivre la cadence des coups portés sur le terrain.

L’ambiance est à la fois sportive et festive, un véritable gala populaire où la culture s’exprime dans toute sa richesse. Les chants rappellent les anciens Antsa ou Rary, ces célébrations guerrières où, autrefois, le peuple chantait pour encourager les soldats avant la bataille, ou pour exalter la victoire. Aujourd’hui, ces mêmes vibrations animent le terrain Barman SCAMA d’Antsiranana, prouvant que le morengy est l’héritier d’une mémoire collective toujours vivante.

Evolue

Si autrefois le morengy se pratiquait à mains nues, dans un contexte parfois rituel ou festif, il tend aujourd’hui à se moderniser. Actuellement, certains clubs s’organisent, des règlements officiels apparaissent, et des tournois régionaux sont mis en place. Cependant, malgré cette évolution vers la modernisation, l’esprit du morengy demeure.

Les jeunes générations continuent d’y trouver une école de vie : discipline, endurance, courage. Dans les quartiers d’Antsiranana, on voit souvent des jeunes s’entraîner. La pratique du morengy illustre leur attachement à la bravoure, au respect des règles et à l’expression artistique à travers le mouvement et la musique. Même si Antsiranana a conservé des bâtiments avec une architecture datant de la période coloniale française, le morengy demeure un symbole vivant de l’identité malgache et de la culture Antakarana.

Avenir

Un match de morengy est aussi une occasion de retrouvailles entre (vieux) amis, parents, etc... Quelques têtes plus ou moins familières au public venaient y assister également, entre autres, élus, membres de l’autorité locale, notables, puis des Vazaha zanatany enracinés depuis longtemps dans la ville de Diego.

Le morengy ne se résume pas à un sport : c’est une expression identitaire, un reflet des valeurs malgaches. Chez les Antakarana, peuple originaire d’Ankarana, ce jeu est profondément enraciné dans les coutumes locales. Il symbolise la bravoure, la virilité et l’honneur, mais aussi la solidarité du clan. Chaque combat est perçu comme un hommage aux ancêtres, une manière de perpétuer les traditions face au monde moderne.

Pourquoi il est intéressant de connaitre le morengy ? Pour les amateurs d’arts martiaux : c’est une belle découverte d’un style peu connu et authentique. Tandis que pour les passionnés de culture et de patrimoine : c’est un exemple vivant de tradition tournée vers le présent. Pour les touristes : assister à un combat de morengy peut être une expérience immersive dans la culture locale.

Récemment, un événement intitulé « Morengy Iarivo » a été organisé à Antananarivo pour promouvoir la discipline dans la capitale. Le morengy gagne aussi en visibilité à l’international, notamment via des démonstrations à l’étranger. À l’avenir, certains acteurs cherchent à formaliser davantage la discipline (réglementation, fédération, protections pour les pratiquants).

Ami Ral

24 Octobre 2025

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